Séjour Sources et Mystères 

 

...de nombreuses roches, énormes et escarpées, parsemaient le paysage. Gardiennes fidèles des Monts du Sancy, elles dominent toujours fièrement pâtures, forêts et villages. Celle qui nous occupe aujourd’hui se dresse au-dessus de La Bourboule et porte un nom symbolique : la Roche des Fées. Pourquoi ce nom ? Voici la légende…

De multiples génies arpentent de nos jours les montagnes endormies du Sancy… Parfaitement ! Ce sont les gardiens vigilants de nos volcans, contenant leurs flancs redoutables des flots incandescents. Ce sont des génies attentifs et dévoués. Qu’ils négligent un instant leur tâche et le feu de la terre jaillira de nouveau…

Autrefois, ces génies étaient alliés à des fées de l’eau, locataires des montagnes. Un soir, lors d’un grand festin de génies (un peu comme un feu d’artifice), on effraya ces magiciennes. Elles disparurent à jamais des yeux des adultes. Mais pour preuve de leur présence, la pierre grise et brillante de la Roche des Fées porte l’empreinte de leurs assiettes, plats et gobelets et aussi l’immense poêle où elles cuisinaient. Ces traces, vous pourrez les voir sans peine, et si vous lui donnez un louis d’or, chaque Bourboulien est à même de vous les montrer.

BREF en ces temps lointains, dans le Massif seules quelques habitations pouvaient être vues sur les flancs des volcans : il s’agissait de sortes de huttes faites de branchages et de boue soutenues par quelques grosses pierres assemblées autour de larges trous, y étaient réunis une poignée d’humains dans ce qu’on appelle des « Tras » (on peut encore en voir plusieurs à Charlanne, à la Banne et sur des pentes douces à une certaine altitude. Les fées bien obligeantes habitaient le Massif du Sancy dans le secret le plus total. Chaque jour ces fades (c’est le nom en patois) venaient se baigner, invisibles, dans un des nombreux lacs à l’eau si pure. Seuls des remous et des vaguelettes trahissaient leur présence. Les hommes à ce moment-là ne soupçonnaient pas leur présence.

Mais un soir, un homme errait dans la vallée de la Haute Dordogne. Il était descendu au pied d’un grand rocher de granit. Accablé de douleur, tête basse, il était assis sur une pierre moussue, tenant un bébé emmailloté dans le drap de sa chemise, ruminant de sombres et bien tristes pensées. Son enfant était malade et malgré tous les soins, toutes les caresses et toutes les herbes médicinales, ce petit se mourait lentement. Il refusait absolument le sein de sa mère. L’homme était seul et s’empêchait de verser aucune larme, il priait sans doute le dieu du rocher dans un patois ancien, d’une belle voix grave.

Ce soir-là, trois jeunes fées se baignaient dans les eaux du lac le plus proche, celui du Guéry. L’une d’elle entendant la détresse de l’homme, s’approcha en silence, elle eût pitié du petit :

- Qu’as-tu donc mon brave à te morfondre de la sorte ? Ne puis-je t’aider ? Au son de cette voix douce, l’homme surpris leva la tête et resta saisi de stupeur. La fée se tenait là devant lui avec sa longue chevelure blonde. Mais son corps immatériel avait la transparence du verre, légèrement teintée de rose comme du quartz. L’homme, à travers lui, voyait la roche, les prés, les arbres, les pierres et les genêts. La fée dut répéter sa question, alors l’homme évoqua sa peine.

- Le petit vient de naitre ce matin par grande avance, au sommet du rocher où se trouve une grotte à Secret où nous nous étions réfugiés, car l’orage et les éclairs de feu ont fait grande peur à ma femme, le petit a eu peur sans doute et il a voulu naitre ! Seulement sa peau est bien rouge, elle le démange et il ne peut dormir, elle brûle comme si les génies l’avaient touché et j’ai bien du mal à le calmer.

Il ne put retenir des larmes bien amères. Et voici que là où tombaient ses larmes, une source bouillonnante de milliers de petites bulles se mit à jaillir.

Viens baigner ton enfant dans cette source chaque matin, dit la fée, fais cela tous les jours pendant 6 jours, une journée au repos et dans 28 jours sa peau reprendra belle couleur claire et il dormira.

À ce moment précis, la seconde des fées, qui avait rejoint sa sœur, elle brune comme l’ébène et qui avait une transparence violette comme de l’améthyste, aperçut l’homme et le prit en pitié :

- Quel est ton souci ? Je vois bien que tu pleures encore… Si tu veux bien me le confier, peut-être pourrais-je moi aussi t’aider ?

Une deuxième fois il conta son malheur :

L’enfant respire mal, son souffle est rauque et bloqué, il siffle comme le vent dans les genets, je n’ai pas trouvé de remède...

Il ne put réprimer ses larmes et tout à coup ! Une autre source jaune sortit du sol à ses pieds !

- Vois comme cette eau chaude fait grande vapeur, fais-la respirer à ton fils, dans quelques jours, il reprendra son souffle. Sur ce, les deux fées disparurent…

 Mais l’homme hésitait. La dernière des fades, la plus jeune, transparente et bleue comme le saphir l’aperçut.

- Quelle douleur t’oppresse encore, mon bon ami ? demanda la fée aux grands cheveux roux avec la plus grande obligeance. Dis-le-moi sans crainte j’ai moi-même quelque science. Cette fois, l’homme n’hésita pas à se confier pleinement à la fée.

Hélas je suis bien accablé. Voyez-vous jeune fade, je suis encore inquiet car son pauvre nez est bouché, sa gorge est prise et ses oreilles sont douloureuses, ma foi je crois bien que l’eau des deux sources ne lui seront pas assez bénéfiques. La douleur de son récit lui tira une nouvelle fois des larmes et pour la troisième fois, une eau chaude teintée de rouge se mit à sourdre là où ses pleurs étaient tombés.

- Fais boire à ton enfant l’eau de cette source chaque midi. Dans quelques jours, je t’en fais la promesse, ton fils ira mieux, si tu fais cela quatre ans de suite, à chaque fois que l’été viendra, l’enfant ira de mieux en mieux et sera guéri. Il deviendra grand et fort et saura nous voir dans les brumes du matin quand nous reviendrons prendre de ses nouvelles

Alors il baigna l’enfant doucement dans l’eau de la première source et fut émerveillé de voir son fils ouvrir ses yeux bleu clair et sourire, car l’eau était chaude et le calmait. Puis avec précaution il vint au-dessus de la vapeur de l’eau de la seconde source. Celle-ci sentait une douce odeur de minéral. Le petit ouvrit la bouche et respira la vapeur. Il toussa trois fois comme pour faire sortir un mauvais esprit qui était caché dans sa gorge et prit une grande inspiration, comme s’il respirait pour la première fois !

Le père emporta le petit pour aller vers la troisième source. Il en compta un peu dans un gobelet d’argent qui brillait sur une pierre au milieu de la boue, le père en fit boire à son petit et l’enfant en bu immédiatement. Et l’enfant, à ce contact, ouvrit encore les yeux et sourit à son père. Jour après jour, l’enfant reprit des forces. Il prenait goulûment le sein de sa mère et prit goût à la vie.

Voyant la guérison miraculeuse de cet enfant, les habitants de la région voulurent profiter des sources bienfaisantes. Ils en aménagèrent les bords, creusèrent des bassins pour conserver le don des fades. Ils prirent l’habitude de boire ces eaux magiques, de s’y baigner et d’en respirer les vapeurs. Depuis ces temps, les peuples viennent de loin pour bénéficier de leurs fabuleuses vertus.

Ainsi, grâce aux bonnes fées les sources thermales étaient nées. Si un jour, l’un d’entre vous rencontre une fade au bord d’un de nos lacs ou d’une rivière, ne manquez surtout pas de lui dire notre reconnaissance. Il serait temps de remercier ses fées parties trop tôt.